Tout le monde sait que le singe ne peut rester un moment sans se gratter le corps. Tout le monde sait aussi que le lièvre, curieux qu’il est comme un journaliste, ne peut rester un moment sans se retourner à gauche et à droite pour voir ce qui se passe aux alentours.
Un matin, les deux compères se rencontrèrent, dans la forêt, sous un acacia. Le lièvre dit au singe :
– Est-ce que tu sais ce que les gens disent de toi ? Eh bien, ils disent que tu ne peux pas rester un seul instant sans te gratter le corps. Il y en a même qui disent que ta mère t’a enfanté dans une fourmilière et depuis les fourmis sont dans ta chaire ce qui explique ça.
– C’est faux, répond le singe, moi je peux rester une heure, deux heures, vingt-quatre heures même sans me gratter le corps. Ils racontent n’importe quoi. Toi aussi avec tes longues oreilles qui
semblent défier le ciel, est- ce que tu as entendu ce que les gens disent de toi ? Ha ha ha !
Ils disent que tu ne peux pas rester un seul instant sans te retourner à gauche, à droite et
regarder en bas et en haut.
– C’est archi-faux, dit le lièvre, je peux rester une heure, deux heures, vingt quatre heures
même sans me retourner.
– Alors faisons un pari pour vérifier ça, dit le singe.
– D’accord, répondit l’autre.
– Mettons-nous l’un en face de l’autre, dit le lièvre, pour voir qui de nous deux restera le
plus longtemps, toi sans te gratter ou moi sans me retourner.
Ils se mirent face- à- face et l’épreuve commença.
Au bout d’une bonne heure de concentration, pendant laquelle aucun n’a ni bougé ni
parlé, le lièvre dit :
– Si on se racontait des histoires pour meubler le temps ?
– D’accord ! fit l’autre. Vas-y, commence !
Le lièvre dit :
– Tu sais, il y a longtemps, j’ai participé à une guerre ! Si tu savais comment les balles
fusaient ! Elles nous venaient de tous les côtés, du côté droit (il se tourne vers le côté
droit), du côté gauche (il se tourne vers le côté gauce).
Le singe lui coupa alors la parole, en disant:
– Mais ça, ce n’est rien du tout ! Moi, j’ai participé à une guerre bien plus meurtrière
encore où les balles nous tapaient sur la poitrine (et il se gratte la poitrine), les balles
nous tapaient sur la cuisse gauche (et il se gratte la cuisse gauche).
Brusquement le lièvre se mit à sauter en criant :
– J’ai gagné ! J’ai gagné : tu t’es gratté !
Et l’autre lui répondit :
– Mais toi tu t’es retourné avant moi !
Depuis ce jour, quand il y a un pari manqué, on dit que c’est le pari du lièvre et du singe.
Source: Recueil de contes africains.